En cette année 2024, centenaire de la mort d’Hilaire de Chardonnet, le musée Denon sort de ses réserves une partie du matériel de laboratoire utilisé par l’inventeur de la soie artificielle.
Chimiste et légitimiste
Né le 1er mai 1839 à Besançon, Louis Marie Hilaire Bernigaud de Grange, comte de Chardonnet suit une formation de chimiste à l’université de Besançon avant d’intégrer l’École Polytechnique de Paris. Légitimiste convaincu, il refuse un poste de fonctionnaire aux Services des Ponts et Chaussée pour se mettre au service du prétendant au trône de France, le comte de Chambord. Devenu son « ordonnance », il l’accompagne pendant plus de quinze ans, aussi bien dans son exil en Autriche qu’en Espagne pendant les guerres carlistes. En 1880, après la mort du Comte, Hilaire abandonne la vie politique et se consacre à ses recherches scientifiques.
L’invention de la soie artificielle
En 1865, la « pébrine », maladie du ver à soie, ravage les élevages et menace toute l’industrie de la soie naturelle. Hilaire, missionné par le comte de Chambord dans un élevage du Bugey pour enrayer l’épidémie, en revient convaincu que l’on peut trouver un substitut au ver à soie et produire artificiellement un tissu de qualité identique à la soie naturelle. Il expérimente pendant de longues années divers procédés dans son laboratoire de Besançon et dans ses ateliers de recherche de Gergy et du Vernay. En juillet 1883, à l’âge de 44 ans, il parvient à la découverte qui le rendra célèbre : produire un fil de soie entièrement artificiel.
Son nouveau procédé, imitant la larve du Bombyx nourrie de fibre végétale (cellulose), consiste à fabriquer de la nitrocellulose (cellulose + acide nitrique) que l’on dissout ensuite dans un bain d’alcool et d’éther pour obtenir du collodion. Cette matière, souple et étirable, est ensuite passée dans des filières qui produisent des brins capables de supporter le tissage.
L’industrie de la « soie Chardonnet »
Avec l’aide de la Société de la Soie Chardonnet créée en 1892, Hilaire multiplie les fondations d’usines, d’abord à Besançon (usine des Prés de Vaux), puis à Fismes dans la Marne, à Spreitenbach en Suisse (1894), à Sarvar en Hongrie ou à Rennes en 1919. Gestionnaire malheureux, il dépense toute sa fortune personnelle et celle de son épouse dans ses multiples projets (monarchistes ou
industriels) et meurt quasiment ruiné, le 11 mars 1924, à Paris. Scientifique reconnu par ses pairs, Hilaire de Chardonnet avait été reçu cinq ans plus tôt à l’Académie des Sciences dans la « section des applications de la science et de l’industrie » à l’âge de 80 ans.