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Nudités et oripeaux :
mises à nu et dévoilement

20 septembre 2014 ... 20 novembre 2014


Anonyme Saint Sébastien XVIIe – XVIIIe siècle Bois polychrome 89,5 x 30 x 25 cm © Musée Vivant Denon
Auguste Clésinger (1814 – 1883) Bacchante couchée vers 1848 Ronde-bosse en plâtre 25 x 59 x 13 cm © Musée des Beaux-Arts de Dole photo Henri Bertrand
François Burgun À ce coeur qui a aimé tant d’hommes Série Bande pour voir, 2005 100 x 100 cm © François Burgun collection du musée Nicéphore Niépce

Le nu artistique, concept produit par la civilisation occidentale, s’exprime par la mise en image du corps. La prise de conscience de l’apparence du corps est le marqueur de l’entrée dans la culture : la nudité est devenue à la fois un état et une idée, en incarnant différentes valeurs au cours du temps. De l’état de nature à l’érotisme lié au dévoilement conscient de la chair, le corps nu revêt des symboliques diverses dont certaines ont durablement marqué les consciences. Ces conceptions ancestrales et marquantes dont la mise à nu a parfois du mal à se soustraire, ces oripeaux, sont-ils véritablement constitutifs de la nudité, ou celle-ci peut-elle être considérée comme une entité pleinement indépendante ?
Sur le principe des précédentes expositions temporaires “Banquets, scènes de genre,
vie domestique”, ou “Casques, épées, boucliers,…” le musée Denon propose une approche transdisciplinaire [archéologie, histoire de l’art, anthropologie] de la lecture
du corps. L’exposition “Nudités et oripeaux : mises à nu et dévoilement” conçue
à partir des oeuvres des collections du musée et de quelques emprunts, permettra aux visiteurs de parcourir le sujet à différentes périodes de l’Histoire et par plusieurs axes
de réflexion.
Le corps représenté : idéal et dénuement
La représentation des divinités est souvent associée à la nudité, exprimant ainsi son lien avec la nature primitive. Durant l’Antiquité, la nudité se matérialise dans des corps idéaux, la perfection du corps et de l’âme étant intimement liée. Le nu des héros guerriers et des athlètes, aux proportions jugées parfaites, glorifie leur nature exceptionnelle, à l’égal des dieux. À partir du IIIe siècle avant J.-C., un intérêt appuyé pour la représentation des petites gens systématise le dénuement, lié au déclassement et à l’exclusion. Cette valeur se perpétue en contexte chrétien, le pêché originel introduisant la frontière entre ignorance primitive et conscience coupable, dont la nudité devient la représentation. L’image du saint, du martyr ou du personnage biblique dénudé participe alors de cette notion de déclassement liée à son calvaire.
L’érotisation du regard : dévoilement et exhibition
À partir de la Renaissance, petit à petit les artistes choisissent d’extirper la sensualité des corps féminins glabres ou sculpturaux. Par son dévoilement qui, progressivement, n’a plus rien d’innocent, la peau se fait chair et suscite le désir. Les sujets bibliques, antiques ou mythologiques qui sont prétextes à la nudité des figures, vont perdurer jusqu’au XIXe siècle. Toutefois, dès le XVIe siècle, les poses lascives sont parfois sans équivoque, les effets de matière créent des sensations quasi tactiles, et le réel s’insinue dans les coiffures, les costumes et les décors. En s’éloignant de l’idéalisation, le nu devient évocateur de plaisir. Le XIXe siècle est l’époque des contradictions : alors qu’une veine « hygiéniste » sage, romantique et très inspirée des beautés idéalisées antiques, domine les expositions du Salon, d’autres artistes dit « réalistes » font régulièrement scandales en créant des images dénuées de toute superficialité, où la couleur de la carnation, l’indécence de la pose, la liberté du regard, l’apparition du poil,le gonflement de la poitrine et surtout les portraits de personnalités identifiables par la société, font entrer le nu dans l’art moderne. La nudité devient exhibition.
La nudité, une fin en soi
Le nu artistique est mis à mal par les avant-gardes du début du XXe siècle qui le déconstruisent ou le jugent sclérosant. Dans l’entre-deux-guerres, la nudité s’affirme néanmoins avec force dans le champ de la propagande fasciste qui valorise le culte du corps et de la nature. Ce retour en grâce de l’image du corps opère alors, après la Seconde Guerre mondiale, sa métamorphose la plus profonde : le Pop Artfait du corps nu un objet de consommation comme un autre, un spectacle qui ne vautque par lui-même. La nudité des corps se banalise dans les sociétés occidentales contemporaines, faisant disparaître l’audace des dévoilements artistiques du passé.
Le rapport au désir est remis en question par des artistes qui considèrent désormais la nudité comme une fin en soi, sans complexes. Naturisme, performances, danse débarrassent la nudité de ses oripeaux. Elle s’affirme ainsi « comblée et dépouillée d’elle-même » (›Jean-Luc Nancy, Federico Ferrari, Nus sommes, la peau des images, 2006).